Alors que la construction européenne traverse une crise profonde, le gouvernement et la majorité semblent encore hésiter entre porter un projet ambitieux pour l’Europe ou considérer celle-ci comme un simple instrument de politique nationale.
Face à la crise de la zone Euro, le gouvernement français a donné l’illusion de porter quelques propositions fortes, sur l’emploi des jeunes ou l’union bancaire par exemple. Ces propositions restent toutefois faibles et inachevées. La France reste paralysée face à des choix essentiels pour sortir de cette crise, notamment celui d’abandonner un modèle intergouvernemental pour évoluer vers une Europe fédérale, plus démocratique, et plus solidaire. C’est cette Europe seulement qui permettra de trouver des solutions aux crises financières accentuées par la troïka. Enfin, le pacte pour la croissance promis par François Hollande pour permettre à l’UE de renouer avec de réelles politiques d’investissement s’est avéré inconsistant. L’euroscepticisme continuera de progresser tant que sera tenu un double discours, comme celui qui consiste à approuver le TSCG puis à reprocher à la Commission Européenne, quand elle l’applique, de « nous dicter ce que nous avons à faire ». Il continuera aussi de progresser tant que les citoyens ne seront pas impliqués dans les décisions communautaires, tant que le monde des affaires sera le seul interlocuteur privilégié de nos dirigeants et tant que la Commission Européenne ne répondra pas de ses actes devant les représentants du peuple européen.
La négociation sur le budget européen a été une autre occasion ratée de faire bouger les lignes. Certes, la pression du Royaume-Uni, de l’Allemagne et d’autres pays était forte pour un budget au rabais, mais la France n’est pas allée plus loin qu’une vision étriquée de son intérêt national, présentant comme une victoire le maintien des aides versées aux (gros) agriculteurs français. La voix du groupe vert au Parlement Européen, qui a porté jusqu’au bout un budget ambitieux, fondé sur des ressources propres et permettant une dépense plus efficace au niveau européen qu’au niveau national, n’a pas été entendue. L’attribution des fonds européens, qui devrait être au moins en partie déléguée aux régions, sera à étudier sur le long-terme.
Sur la place de l’Europe dans le monde, le gouvernement a montré à juste titre qu’il ne souhaitait pas que la France agisse sans le soutien de ses partenaires européens, que ce soit au Mali ou en Syrie. Mais il n’a pas su rendre claire sa volonté de porter une Europe dotée d’une défense et diplomatie vraiment communes, d’une parole coordonnée sur les libertés fondamentales (Snowden et PRISM), d’un modèle économique et social plus écologique et plus viable (accords de libre-échange UE-USA, où l’on ne peut pas se contenter de défendre l’exception culturelle).
Enfin, on peut regretter qu’en France la politique européenne reste une prérogative avant tout gouvernementale, dont les grandes orientations sont discutées au sein d’un cercle restreint. Le gouvernement laisse encore prospérer l’idée que le débat sur l’avenir de l’Europe doit se limiter à un affrontement entre le libre-échangisme austéritaire de Barroso et le nationalo-colbertisme de Montebourg. Il est donc indispensable de continuer à porter dans la majorité l’idée que le repli national n’est pas une solution et qu’une Europe plus démocratique, plus solidaire et plus écologique est souhaitable et possible, notamment face à la montée des extrémismes en Europe. Passons au 21ème siècle, partageons notre souveraineté pour collectivement décider de notre futur.